Pour moi de très loin supérieur au "Bon, la brute etc", que j'adore aussi. Mais "Il était une fois dans l'ouest" est bien mieux structuré, bien mieux écrit et beaucoup plus inventif voir génialement transgressif dans la réalisation. A titre d'exemple, l'analyse détaillé d'une scène du film (et de très nombreuses scènes du film pourraient se prêter à ce jeu) :
Petit retour donc sur un plan qui à fait couler énormément d'encre depuis la fin des années 60, certains criant alors au génie, d'autres au scandale.
La scène en question : Jill (Claudia Cardinale) se donne à Franck (Henry fonda), l'assassin de sa famille.
D'abord une remarque sur le scénario. Le plan se s'enchaine aussitôt après que Harmonica (Bronson) et Cheyenne (Robards) décident de construire la ville dont rêvait le défunt mari de Jill. Un enchainement voulu par Leone pour provoquer chez le spectateur un choc visuel et intellectuel. Le spectateur passant d'une séquence évoquant le rêve de celui que l'on à vu sauvagement assassiné, à un plan où l'on découvre sa veuve dans les bras de son assassin.
Le plan en question est un coup de génie très osé, d'où le scandale auprès des puristes de l'époque. Leone va en quelques seconde briser les règles grammaticales du cinéma en mêlant en une seule image : plan séquence et ellipse. Deux notions cinématographique par définition inverses.
Qu'est-ce qu'un plan séquence : une séquence plus où moins longue filmé dans la continuité. Ce qui impose une action linéaire, continue et suivie en temps réel.
Qu'est-ce qu'une ellipse ? Un procédé de montage liant deux actions, deux évènements, deux plans, distant dans le temps mais liés par l'histoire (exemple : un homme se couche dans son lit – coupure au montage – plan suivant : il se réveille. L'ellipse a supprimé l'action en temps réel qui aurait montrée l'intégralité de la nuit (un très long plan séquence...))
Deux techniques à l'évidence opposées; et pourtant Leone parvient à filmer une ellipse dans un plan séquence...
La séquence commence avec un plan serré de Fonda face à Cardinale. Le plan est tellement rapproché que rien ne permet de savoir ce qui ce passe. Les deux personnage sont face à face, Fonda est voulu dominateur, avec un sourire arrogant, et avec un profil occupant les deux tiers de l'image. Cardinale ne sourit pas, et se trouve acculée dans le dernier tiers de l'image.
Pour le public la situation est simple, d'autant qu'elle fait suite à une séquence le rapprochant des sentiments de la victime (le mari de Jill et Jill elle même) : c'est un face à face d'opposition, entre les deux adversaires.
Puis Leone opère un double mouvement de caméra : Zoom lent arrière et rotation droite de l'image. Le zoom découvre le décor, et la rotation plonge la séquence dans l'ellipse. L'opposition des deux personnages cède la place à « un corps à corps » amoureux. Franck et Jill ne sont plus adversaires, et Franck ne domine plus. Ils sont maintenant allongée sur le lit.
Le choc est fort pour le public qui ne comprend plus , et le choc fut aussi fort pour les critiques qui pour la première fois découvrait qu'il était possible de présenter deux plans différents, une action évolutive (on passe de l'opposition au rapprochement amoureux), dans un plan sans coupures. Un plan séquence d'une ellipse.
Mais le génie de Leone ne s'arrête pas là, puisqu'il pousse jusqu'à insérer des symboles dans l'image : avec le zoom arrière apparaissent les barreaux du lit, qui présentent l'action comme si elle était prisonnière derrière les barreaux d'une prison virtuelle... Le dialogue entre les personnages l'explique. Ils sont prisonniers des évènements. Ils couchent ensemble, mais il reste le tueur et elle la « victime »...
Mais est-ce si simple ? Leone à la fin de son plan enferme un peu plus ses personnages entre les murs cette fois de la maison.
C'est elle la véritable prison des deux personnages. La prison de Jill puisque cette maison la retient à un passé détruit. Et la prison de Franck parce que ce même passé (la maison est le cadre du massacre de la famille de Jill) l'empêche d'évoluer et cette maison se dresse sur sa route. Celui des deux qui survivra devra sortir de la maison... Jill en sort au plan final du film, pour accompagner l'avenir en marche (les ouvriers qui construisent le chemin de fer) ; Franck y revient pour y mourir...
Tout "il était une fois dans l'Ouest" est une succession de moments aussi grandioses, d'expression d'un pure génie créatif.